MILDRED dans Tatouage Magazine 162

« Mes tatouages sont mon armure. »

Créative et curieuse, Mildred peint et dessine depuis l’enfance. Artiste dans l’âme, elle met son approche de la couleur et des motifs au service d’une grande maison de textile, imaginant des collections d’étoffes chamarrées. Devenue tatoueuse, son univers de fleurs et d’ornements s’exprime aujourd’hui sur les peaux, dans une approche où l’artistique et l’humain sont intimement liés.

Texte : Miss Marvel Photos : Angéline @thetrustmaker / @adelinephotographies

Mildred découvre le tatouage très tôt, et aussi loin qu’elle s’en souvienne, l’image d’une femme fortement tatouée l’a toujours subjuguée et représentait un idéal féminin qu’elle rêvait d’atteindre en grandissant : « Vers l’âge de 6 ans je me suis re- trouvée face à des photos de femmes très tatouées, je ne sais plus si c’était à la télévision ou dans un magazine. Elles dégageaient tellement de force et de prestance. Elles symbolisaient pour moi une puissante émancipation de la femme à travers des choix de looks affirmés mais aussi la possibilité de s’exprimer à travers le corps, de customiser son enveloppe charnelle, de la faire parler. J’ai su à ce moment-là que j’encrerais ma peau dès que je serais en âge de le faire. » Elle grandit bercée par le néo métal durant ses années lycée et son en- vie de se couvrir d’encre s’affirme encore plus : « L’univers du tatouage et de la musique étaient in- dissociables avec ce que cela impliquait de nouveau et de subversif. J’ai été orientée vers des études artistiques dès la seconde… l’envie de m’exprimer au-delà du papier, via ma peau était une suite logique.

La première fois

Son premier tatouage vient assez tardivement, à 24 ans, malgré l’envie qui la tenaille depuis l’enfance. Mildred attendait son indépendance financière et le besoin de dépasser quelques carcans imposés par la société en termes de ce qui se fait ou ne se fait pas : « Ce n’était pas une expérience géniale, je l’ai d’ailleurs fait recouvrir. C’était un ta- touage géométrique dans mon dos. Je me rappelle le courage que cela m’avait demandé de passer la porte d’un tatoueur pour discuter de ce projet et prendre rendez-vous ; l’impression que j’allais être jugée car c’est le premier, la peur de ne pas être prise au sérieux. Le tatoueur n’était ni très sympathique, ni très délicat. Il ne m’a rien expliqué sur le déroulé de cette séance et, comme il s’agissait d’un tatouage dans le dos, je n’ai strictement rien vu, juste senti le passage de l’aiguille… Et même si ce tatouage était d’une réalisation plutôt médiocre, je me rappelle être sortie de ce rendez-vous avec tellement de joie et de fierté ! J’avais basculé du côté des re- belles qui m’avaient toujours fascinée. » Cette première expérience mitigée ne décourage pas Mildred de continuer à se faire tatouer, mais elle accorde plus de vigilance à l’échange et au contact humain qu’elle a avec ceux et celles qui la piquent par la suite et met en pratique dans son travail de tatoueuse cette approche bienveillante qui lui a manqué la première fois : « Dans mon métier j’ai à cœur de recevoir avec beaucoup d’attention les personnes réalisant leur premier tatouage, de leur expliquer comment va se passer la séance, de prendre le temps de les rassurer et de les
accompagner dans leur démarche.
Pour moi il ne s’agit pas d’une simple prestation de service, l’expérience globale autour de ce pro- jet de tatouage doit être humainement pertinente et bienveillante. »

La philosophie

L’approche personnelle de Mildred concernant le tatouage est à la croi- sée des chemins entre choix esthétique, artistique et style de vie : « L’aspect esthétique est quelque part indissociable de l’idée de dépasser quelques complexes, de se réapproprier son corps après des expériences de vie… Je choisis mes tatouages au coup de cœur artistique mais aussi hu- main et je n’envisage plus de me faire tatouer par des personnes avec qui je n’ai pas ce feeling particulier. Et, bien évidemment, c’est un style de vie : quand on commence à être très tatoué cela a une incidence sur la vie en société, sur le regard des autres… c’est un choix qu’il faut assumer pleine- ment et fièrement. » Et aujourd’hui, Mildred se sent accomplie et la meilleure version d’elle-même grâce à l’encre qui l’habille : « Je dis souvent que mes tatouages sont mon armure. Les gens pensent parfois que les personnes très ta- touées le font dans le seul but d’être regardées, au centre de l’attention. Moi j’aime l’idée que je suis cachée derrière mes tatouage, qu’ils me protègent : si vous voulez savoir qui je suis, il faut apprendre à me connaître. Je me sens pleinement moi-même dans cette peau couverte de motifs, c’est moi avec un grand M, c’est mon identité, ma personnalité. »Dans son choix de tatouage et de ceux qui la piquent, Mildred marche essentiellement au coup de cœur artistique : « J’ai beaucoup de style de tatouages différents sur la peau : de l’ornemental, du floral, du graphique, du noir et blanc, de la couleur, de la calligraphie… et étrangement tous ces styles cohabitent de façon plutôt harmonieuse. J’aime le style ornemental car il a cette faculté d’épouser le corps, de le redessiner avec un impact graphique fort. Mes pièces préférées sont mes jambes réalisées en blast over par la talentueuse Estelle Numta (studio Numta Montaigu, Vendée) qui a réalisé plusieurs tatouages sur moi dont mon front. Mon ventre et mes mains par le génial Awa tatoueur (l’atelier de la courée Lambersart, Nord). Et bien- sûr mes fesses et mes reins par l’incroyable Guet (Alche- mink, Lyon). »

Le choix

Après 11 ans de carrière dans le design textile en tant que Trend and Color manager pour un groupe américain, Mildred décide d’opérer un gros changement de vie : « Mon métier de designer m’a réellement passionnée, je créais les motifs, matières et couleurs pour des collections d’ameublement haut-de-gamme. Je pense cependant qu’il manquait la dimension humaine à cette vie créative, même si j’ai fait de très belles rencontres durant ces années dans le textile. J’ai baigné dans le monde du tatouage en tant que cliente et c’est finalement assez naturellement que j’ai compris que je voulais en faire mon métier, passer des motifs sur textile aux motifs sur la peau. » Ce nouveau choix de carrière est une évidence pour Mildred qui se réalise en tant que tatoueuse et passe enfin de l’autre côté du dermo, y trouvant l’épanouissement artistique et la dimension humaine qui lui manquait. Aujourd’hui, elle tatoue principalement un style floral et ornemental tout en finesse qu’elle met au service de sa clientèle dans une démarche où l’artistique et l’humain sont intimement liés : « Je suis spécialisée dans le style floral et l’ornemental avec une ligne plutôt légère. J’affectionne le recouvrement de tout type de cicatrices et je fais partie de l’association Sœurs d’Encre depuis trois ans. Avec mes consœurs, nous travaillons auprès de nos clientes sur la reconstruction de soi par l’image. C’est une cause qui me tient vraiment à cœur. »

La confirmation

Dans son quotidien Mildred, résidente au studio Numta à Montaigu, en Vendée, aime l’échange bienveillant qu’elle peut avoir avec sa clientèle, la relation de confiance qui se crée entre l’élaboration du dessin jusqu’à la réalisation sur la peau… l’intimité et la proximité de la séance de tatouage facilitant la parole et les confidences : « La salle de tatouage est comme un confessionnal… les clients se livrent beaucoup sur leur parcours de vie, les épreuves qu’ils traversent, leurs grandes peines et leurs grands bonheurs. Cette connexion rend la démarche du tatouage encore plus forte le temps de la séance. » Elle aime aussi l’itinérance liée au métier qui lui a permis d’évoluer et de faire de belles rencontres. Dans ses projets futurs il y a toujours des voyages, des tatouages et de la créativité : « Des en- vies, j’en ai mille en tête… j’aimerais retrouver du temps pour créer une seconde collection de foulards, c’est ma façon à moi de lier mes anciennes amours textiles au monde du tatouage. »

Instagram : @mildred_molotov


Tatouage Magazine 162

En kiosque !

Article ajouté au panier
0 Produit - 0,00